La créativité est l’une des soft skills les plus recherchées. D’après le World Economic Forum, la créativité faisait déjà partie des 10 soft skills à avoir en 2020.
Et la curiosité ? Et bien, elle n’apparaissait pas dans ce classement.
Pourtant, peut-on être créatif sans être curieux ? Pour nous, la réponse est bien sûr non. Et nous ne sommes pas les seuls à le dire. Les résultats des tests psychométriques, comme le CTPI-R, le prouvent : les personnes qui ont un score élevé en curiosité ont également de très bons résultats en créativité et goût pour l’innovation.
Nous reviendrons sur ce lien entre créativité et curiosité. Mais commençons d’abord par comprendre ce qui se cache derrière cette compétence si recherchée qu’est la créativité.
Pourquoi la créativité est-elle tant recherchée ?
On ne vous apprend rien si on vous dit que le monde change de plus en plus vite, qu’une innovation en remplace une autre à une vitesse incroyable… Tout le monde vit cela. Certains secteurs et métiers sont particulièrement concernés, mais personne n’y échappe.
D’après l’OCDE, dans les années 70, une compétence technique avait une durée de vie de 20 ans. Aujourd’hui, la durée de vie d’une compétence technique est de 12 à 18 mois… Et si on parle de compétence numérique alors, la durée de vie raccourcit encore pour se situer entre 3 à 6 mois.
Résultat, on ne peut pas uniquement recruter des personnes sur leurs savoir-faire puisque ces derniers sont valables aujourd’hui, mais ne le seront sans doute plus demain. On ne peut pas non plus raisonner en pensant que ce qui marche aujourd’hui marchera encore demain, car ça ne sera vraisemblablement incessamment plus le cas.
Et c’est là que la créativité entre en jeu.
Mais alors qu’il y a quelques années, on attendait de nouvelles idées de la part d’une cellule innovation, souvent exclusivement centrée sur les produits et services proposés, aujourd’hui, la créativité ne concerne ni plus exclusivement les produits/services, ni plus exclusivement un département de l’entreprise dédié à cela.
Pourquoi ? Parce qu’on sait que chacun a des idées. Et que nous sommes tous quotidiennement entourés d’informations et d’innovations susceptibles de nourrir notre imaginaire et donc notre capacité à proposer de nouvelles choses. Nous sommes aussi en attente d’innovations, non pas seulement en tant que consommateurs, mais aussi en tant que salariés. Nous recherchons ainsi continuellement des idées pour améliorer notre façon d’organiser et réaliser le travail.
D’autre part, alors qu’avant il fallait aller à l’autre bout du monde pour s’inspirer et avoir une idée des tendances émergentes, aujourd’hui, tout cela est à portée de clic.
Alors qu’avant les innovations arrivaient d’abord au sein des entreprises pour ensuite s’étendre dans les sphères privées, aujourd’hui, les innovations arrivent d’abord à nous en tant que consommateurs. La dynamique s’est inversée. Nous découvrons davantage de nouveautés dans notre vie quotidienne (pensons à tous ces appareils hi-tech qui ont envahi nos maisons, bien plus que nos open-space). En tant que salariés, nous sommes alors en attente de solutions au sein de nos entreprises qui viennent nous « faciliter » la vie, comme c’est le cas à la maison.
Alors qu’avant le processus créatif était souvent dans les mains d’une personne qu’on estimait être douée d’un génie particulier, aujourd’hui, on mise sur l’intelligence collective pour trouver de nouvelles idées.
Et quand on envisage la créativité sous cet angle, on comprend donc que tout le monde soit directement concerné. Alors, on organise de grandes séances de brainstorming et des séminaires de créativité. Mais…Mais souvent c’est assez décevant. On constate qu’on a généralement du mal à penser « out of the box ». Sauf quelques personnalités qui sortent du lot. Cette capacité à être créatif nous apparait alors essentielle mais rare. D’où le fait qu’elle soit si recherchée.
Tout le monde est-il créatif ?
Si on vous demande de décrire une personne créative, il y a de fortes chances pour que vous imaginiez une personne extravertie, souvent décalée voire originale, à l’esprit foisonnant, n’ayant pas toujours les pieds sur terre, se souciant peu du regard des autres et sortant des idées de nulle part.
Et c’est justement cette vision-là qui pose problème. Nul besoin de correspondre à tout cela pour être créatif. Car c’est quoi la créativité ? C’est la capacité à proposer de nouvelles choses, de nouvelles idées. La question est donc : comment naissent ces nouvelles idées ?
Et bien de tout un tas de choses que nous avons vu, entendu, senti hier, comme il y a des années. Et par un travail inconscient, des liens se font. C’est cela qui permet de faire émerger quelque chose de nouveau.
La créativité, c’est rarement imaginer quelque chose qui sort de nulle part. C’est plutôt combiner des choses venant d’environnements différents et/ou détourner l’usage habituel de choses que nous connaissons déjà, ou encore apporter à un endroit quelque chose qui est certes connu ailleurs, mais qui apparait comme nouveau ici. La créativité est donc souvent contextuelle et subjective.
La créativité n’est pas non plus réservée aux artistes. Nul besoin de savoir dessiner ou improviser un morceau de musique. La créativité peut être intellectuelle. Elle est même surtout intellectuelle en entreprise. Or, à force de passer par des moyens très artistiques, on bloque tous ceux qui ont des idées mais qui ne sont pas à l’aise avec un pinceau à la main.
La créativité, n’est pas non plus l’apanage des extravertis. Ça n’a absolument rien à voir. On aurait presque dit « au contraire », car nombre de créatifs sont introvertis. En fait, les créatifs alternent facilement les moments d’extraversion où ils sont avec du monde pour se nourrir d’échanges et d’idées, et des moments d’introversion dans lesquels ils se connectent davantage à leurs sens et ressentis et se laissent de l’espace pour infuser toutes les informations récoltées.
Par contre, il est vrai que la créativité nécessite de lâcher prise sur le regard des autres et sur son propre regard. Car le jugement est pire ennemi de la créativité. La frontière entre l’idée de génie et la fausse bonne idée est assez ténue. Il suffit d’ailleurs de quelques années supplémentaires ou de changer d’environnement pour que ce qui paraissait être une mauvaise idée, se révèle désormais comme une idée incroyable !
Bref, quand on voit les choses comme ça, on comprend que nous avons tous la capacité à être créatif. D’ailleurs nous avons tous des idées tout le temps. Qu’elles nous paraissent plus ou moins innovantes, ou plus ou moins bonnes. La créativité ne rime pas toujours avec pertinence. C’est même l’inverse. Le processus créatif, c’est d’abord la profusion. Et c’est dans cette profusion d’idées, que peut-être une pépite se cache. Ou que l’une des idées donnera une autre idée encore plus puissante à quelqu’un.
« Le goût est l’ennemi de la créativité » Picasso
Sauf que nous sommes tellement préoccupés par la volonté de trouver LA bonne idée que nous bloquons notre processus créatif. Nous sommes exigeants, perfectionnistes, nous avons peur du jugement et de l’échec, et donc nous préférons sur-contrôler nos idées quitte à étouffer notre créativité.
Enfin, la créativité est un muscle. Ce qui veut dire qu’on peut la travailler et la renforcer. A l’inverse, ce muscle peut aussi s’atrophier. On peut donc soit s’enfermer dans la croyance que nous ne sommes pas créatifs et effectivement confirmer cette croyance, car moins on s’entraine, moins on l’est. Soit on peut renforcer ce muscle.
Et comment faire ? En étant d’abord et avant tout curieux
La curiosité du monde qui nous entoure, comme activateur de créativité
La curiosité, c’est d’abord avoir tous ses sens en éveil. Regardez un enfant. Même s’il ne sait pas encore marcher, ni même faire du quatre pattes, ni même parler, il est curieux. Il observe ce qui se passe autour de lui. Dès qu’il peut saisir quelque chose, il le fait. Il tâte, il met à sa bouche, il éprouve des sensations. Bref, il est curieux et ça se voit car tous ses sens sont en éveil.
Comment procède quelqu’un de créatif ? En restant autant que possible comme cet enfant. Ou qu’il aille, il garde sa capacité à s’émerveiller, à s’interroger, à observer ce qui l’entoure. Sans but précis. Sans pression d’en faire quelque chose. Il stocke ainsi des tonnes d’informations qui pourront ensuite lui servir à un moment ou à un autre.
Un créatif est donc d’abord un curieux qui sait prendre le temps de regarder ce qui se passe autour de lui, plutôt que d’avoir le nez non stop sur ses mails ou s’enfermer dans des salles de réunions qu’il connait par cœur.
« Une bonne partie de ce que j’ai découvert tout à fait par hasard en suivant ma curiosité et mon intuition s’est révélée inestimable par la suite.» Steve Jobs
La curiosité des autres, comme activateur de créativité
Découvrir des personnes, en savoir plus sur leurs parcours, leurs points de vue, leurs histoires, ça aussi, ça nourrit nos perceptions et donc notre processus créatif. La plupart de nos idées émergent d’un échange. Quelqu’un a dit quelque chose, qui nous a fait penser à autre chose. D’autres liens se font dans notre tête, et pouf, l’idée apparait. Ou encore quelqu’un nous évoque une problématique d’une façon nouvelle. Nous n’avions pas vu les choses sous cet angle là. Et c’est, parce que, grâce à cet échange, nous voyons désormais le problème d’une autre façon, que la solution apparait.
Mais ça, ça nécessite d’être ouvert à l’autre, et encore plus à ceux qui sont différents de nous, qui ne pensent pas comme nous. Car plus on échange avec des gens qui nous ressemblent, qui ont le même quotidien que nous, plus on partage les mêmes façons de penser et voir les choses. Nous allons donc davantage confirmer nos points de vue que les enrichir. Ce qui ne facilite donc pas la pensée créative. A l’inverse, si je vais échanger avec des personnes éloignées de mon quotidien, si je reste ouvert, intéressé à ce qu’elles me disent (que je sois d’accord ou non), j’enrichis ma vision du monde et je stocke consciemment ou non de nouvelles informations qui pourront s’avérer utiles par la suite.
En bref, la créativité nécessite d’abord un processus de divergence, notamment de divergence de points de vue. Et ça, ce sont les plus grands curieux qui savent très bien le faire.
La curiosité de soi, comme activateur de créativité
La curiosité de soi, c’est se connaitre et se développer personnellement. Se reconnecter à son potentiel et ses talents. Nous avons tous un potentiel curieux ET créatif. Encore une fois, un enfant fait cela naturellement. C’est en grandissant qu’on peut les perdre. Travailler sur soi, être curieux de soi, des schémas et mécanismes de protection que nous avons pu mettre en place et qui nous ont fait perdre notre créativité sont un moyen de les retrouver. A l’inverse ne pas être curieux de soi, c’est estimer que l’on n’est pas créatif. Point. Sans chercher à aller plus loin.
Être créatif, c’est savoir retrouver son enfant libre. Cette partie de nous, que l’analyse transactionnelle décrit comme spontanée, authentique, joueuse, détachée du regard de l’autre, connectée à ses envies, ses besoins et ses émotions. Être curieux de soi, c’est chercher à retrouver cet enfant libre qui sommeille à l’intérieur de chacun de nous.
La curiosité de soi, c’est aussi pouvoir travailler sur notre peur du regard des autres et de l’échec. Mieux comprendre ses peurs pour pouvoir mieux les apprivoiser et les contourner. Si on ne fait pas cela, on met à la place des mécanismes de protection qui rigidifient nos comportements et bloquent encore plus notre créativité.
Enfin, être curieux de soi, c’est aussi s’écouter. Et si vous vous écoutez vraiment, nul doute que vous entendrez cette petite voix qui vous susurre des tonnes d’idées, de suggestions, d’adaptation à longueur de temps.
En bref, la curiosité, c’est le carburant du créatif. Si on perd en curiosité, on perd en créativité. Ça parait assez évident à tous les créatifs. Ils font beaucoup de benchmark, ils s’inspirent énormément de milieux complément différents, ils savent flâner pour se laisser surprendre par quelque chose. Pourtant, on a du mal à faire le lien inverse. Quand on n’a pas d’idées, on se dit juste qu’on n’est pas créatif. Point. Alors qu’il « suffit » simplement de réamorcer la pompe en créant des espaces de curiosité.
Alors, si vous commenciez par vous reconnecter à votre curiosité ? Vous verrez que la créativité frappera toute seule à votre porte