Bonjour Sylvain*. Je te remercie d’avoir accepté cette interview. Peux-tu te présenter et nous expliquer en quoi consiste ton job ?
Je m’appelle Sylvain, je suis marié, j’ai un enfant et je vis à Lille. Je travaille en tant que consultant dans un cabinet de conseil. J’interviens auprès de dirigeants d’entreprise pour les accompagner sur leurs programmes de transformation. Je suis amené à travailler pour des organisations et des secteurs très variés. Généralement j’effectue des missions dont les projets sont à moyen ou long terme. Dans mon métier, l’important est d’avoir un regard transverse sur un grand nombre de métiers car les projets nécessitent souvent la participation et l’adhésion de nombreux départements.
A quoi ressemble ton quotidien ?
Ce qui est intéressant, c’est que ce n’est jamais la même chose. Forcément il va y avoir toute la partie méthodologie de projet avec des réunions très régulières pour cadrer, piloter et suivre le projet. Mais il y a aussi beaucoup d’informel. Le fait de pouvoir aller à la rencontre des uns et des autres, pour créer du lien, comprendre comment fonctionne l’entreprise, écouter les besoins, faire passer les idées… Tout dépend en fait du moment auquel j’interviens dans l’entreprise. Si je suis sur un projet amont, on va plutôt faire un travail en chambre, c’est-à-dire isolé avec quelques personnes pour définir comment cadrer le projet. Si j’interviens plutôt après, sur de la mise en place d’un projet qui a déjà été décidé, là, mon quotidien va être plus opérationnel, tourné autour de la conduite du changement, l’appropriation d’outils…
Enfin, on peut être en mission à 100%, ou en temps partiel. Dans ce cas, soit j’interviens dans d’autres organisations en parallèle, soit je travaille sur des sujets internes au cabinet.
Comment évalues tu ton niveau de curiosité dans l’exercice dans ton job ? Un peu, beaucoup, passionnément, à la folie, pas du tout ?
Je dirais que je suis passionnément curieux. Je pense que c’est inhérent à l’activité du conseil. Il faut en effet s’adapter très rapidement, savoir aller chercher l’information pour comprendre l’entreprise, le sujet, les modes de fonctionnement et être vite productif dans la mission qui nous est confiée. L’information, elle peut être sur Internet, dans les documents internes que l’entreprise met à notre disposition, mais elle est surtout dans les échanges qu’on peut avoir avec les uns et les autres. Pour moi, la curiosité est avant tout sociale. On a la possibilité d’apprendre de n’importe qui, que ce soit de la part d’un DG ou de quelqu’un de plus opérationnel.
Je me challenge constamment pour ne pas rester dans mon carcan, penser que c’est comme ça qu’il faut lancer un projet ou procéder parce que ce sont les habitudes. J’aime aussi challenger mes interlocuteurs en entreprise. En fait, j’essaie au maximum de croiser les visions pour ne pas rester dans un seul prisme qui limite et enferme. Je trouve que c’est même intéressant de faire des parallèles avec des secteurs d’activité éloignés. Et ça, en tant que consultant, comme on a vu beaucoup d’entreprises différentes, on peut faire ces liens.
C’est quoi pour toi au final la curiosité ?
Je dirais que c’est l’intérêt sincère d’en savoir plus sur son environnement proche ou plus lointain. C’est difficile comme question en fait…. Mais oui, je dirais ça : la curiosité, c’est l’envie sincère d’en savoir plus sur les choses, le monde et les hommes avec un grand H.
Ça fait deux fois que tu dis utilise le mot sincère. En quoi c’est important pour toi de le lier à la curiosité ?
Je pense que si ce n’est pas sincère, tu ne préserves pas la relation. Pour moi, la curiosité doit servir l’humain, en se disant j’apprends des choses sur toi, ça te permet aussi d’apprendre des choses sur moi et c’est comme ça qu’on construit une relation. Moi, j’imagine beaucoup la curiosité comme un échange, même s’il y a d’autres façons d’apprendre et d’être curieux. C’est dans la rencontre que tout se passe.
En quoi c’est aidant pour toi d’être curieux ?
C’est indispensable. Le rôle du consultant est d’imaginer des façons de faire, de proposer plusieurs options dans une organisation et un projet qu’il découvre. Difficile à faire si on n’est pas curieux. Après il faut expérimenter. La curiosité ne suffit pas si le mode action ne suit pas.
Qu’est-ce qui suscite particulièrement ta curiosité en ce moment ?
Ce sont les rencontres humaines. J’en ai pris conscience il n’y a pas longtemps. Mais mon énergie vient des autres. J’ai besoin d’être en relation avec d’autres personnes pour me nourrir et donner en échange ; J’ai ainsi beaucoup d’engagements et de projets en dehors de mon job. Et c’est vrai que ça nourrit aussi beaucoup ma curiosité. Je rencontre des personnes avec des expériences et des projets différents. Ils me parlent de développement personnel, d’entrepreneuriat etc… et je trouve ça riche. La curiosité est le fuel de mon apprentissage.
Et dans ton job, quels sont tes sujets de curiosité actuellement ?
J’interviens actuellement dans le retail qui est un secteur que je connaissais peu. Donc cela nécessite de s’approprier le vocabulaire, les codes, les enjeux…
Comment fais-tu pour satisfaire cette curiosité ?
Je cherche sur Internet, j’écoute beaucoup de podcasts, je demande aux autres.
Il y a une chose que j’ai pris l’habitude de faire : à chaque fois qu’il y a un mot, un concept que je ne connais, je le note sur mon téléphone. Et je vais systématiquement d’ici la fin de la journée regarder pour en savoir plus.
C’est génial, j’adore l’idée. C’est quoi du coup le dernier mot que tu as cherché ?
Attends, je regarde. (Sylvain prend son téléphone). Webflow – C’est une alternative à WordPress dont un ami m’a parlé. Au travail, on m’a aussi parlé de Patatam, c’est une solution de seconde main.
Si les personnes avec lesquelles tu travailles étaient davantage curieuses envers toi et le job que tu exerces, qu’est-ce qu’ils pourraient davantage voir ou découvrir ?
Elles découvriraient mes expériences précédences et ce que je peux apporter par exemple dans le domaine de l’entrepreneuriat. En fait, si je suis novice dans une organisation où je suis en mission, j’ai, par contre, plein d’expériences avant qui peuvent être intéressantes et que je mets avec plaisir à la disposition des personnes avec lesquelles je travaille.
Si ton manager était davantage curieux envers toi, qu’est-ce qu’il pourrait découvrir ?
Toute ma vie… Je crois que mon manager ne sait pas grand-chose de moi….. En fait le style de management est très négatif et donc on n’a pas forcément envie de se livrer. On reste donc sur des discussions qui sont très banales. On évite toutes les choses personnelles qui pourraient être sensibles. Pour le coup, il y a peu de curiosité au sein du cabinet et c’est d’abord lié aux dirigeants. Il y a peu d’ouverture à ce qui est proposé par les consultants. Ça manque vraiment de positivité. Résultat, ça ne donne plus envie de proposer de nouvelles choses et ça finit par étouffer la curiosité.
Cela changerait quoi alors plus de curiosité au sein de ton cabinet de conseil ?
Si au niveau de la direction, il y avait plus de curiosité, et je dirai aussi plus de positivité, ça aiderait beaucoup. Ça instaurerait déjà de la confiance. Et puis de l’envie. Si je propose quelque chose et que c’est valorisé derrière, je vais avoir encore plus envie de chercher d’autres choses, donc de me renseigner, donc de faire de nouvelles propositions etc…. C’est un cercle vertueux qui se met alors en place.
Et toi, à l’inverse, sur quels sujets ou personnes tu te dis que tu pourrais te montrer plus curieuse dans ton job ?
J’aimerai l’être encore plus avec le DG avec qui je bosse. J’aimerai créer davantage de lien pour pouvoir lui demander : « qu’est-ce que ça fait de manager tant de personnes ? d’être responsable d’une entreprise comme ça ? »
Mais aussi toutes les personnes finalement que je croise dans mon quotidien. Je pense être assez curieux mais on peut sans doute l’être toujours plus.
Qu’est-ce qui t’empêche d’exercer cette curiosité ?
Le temps.
Et puis, l’état d’esprit dans lequel on est : pour pouvoir être curieux, il faut avoir une soif d’apprendre, une envie de se développer, être dans un mood d’ouverture. Si je n’étais pas dans cette optique de me développer personnellement, je pense que je n’aurai pas cette volonté d’aller plus loin, d’être curieux. J’ai l’impression que plus tu développes ta curiosité, plus tu as envie d’aller vers les autres et plus tu te développes. C’est une spirale positive.
Mais ça peut aussi être une spirale négative quand tu es dans une période où tu es moins bien, plus fermé, moins avenant…Et bien, tu n’es plus curieux
Comment estimes-tu le niveau de curiosité dans l’entreprise où tu es actuellement en mission ?
C’est une boite très humaine, dans le partage et ça se ressent. Naturellement tu as envie de t’intéresser à l’autre. Il existe aussi beaucoup de choses qui sont partagées, on fait des retours d’expériences, on capitalise pour apprendre. Enfin, il y a tout un écosystème qui partage et permet d’apprendre les uns des autres. Donc il y a une forte curiosité, mais qui peut toujours être encore renforcée.
Quel est à tes yeux le frein principal au développement de la curiosité en entreprise ?
La négativité. Ça ne donne pas envie d’aller vers l’autre, de proposer, de creuser. On a peur que ce soit mal interprété. Donc ça amène chacun à rester de son côté.
On arrive à la fin de cette interview. Un grand merci pour ton temps et tes partages. Je repars avec plein d’éléments. Et toi, avec quoi repars-tu ?
Avec des bonnes réflexions de la curiosité. Je vais me pencher à nouveau sur la définition que je donne à la curiosité. Et je n’avais pas fait le pont entre curiosité et développement personnel. J’ai développé ça au fur et à mesure et je pense que j’étais dans une optique de comment est-ce que je peux m’améliorer. Et c’est ça finalement qui m’a rendu curieux. Je comprends que l’essence qui m’incite à progresser, c’est la curiosité. Je pense pouvoir dire que je suis quelqu’un de nature curieuse mais il faut que je puisse continuer à creuser encore plus.
J’ai l’image de la pizza. Si je coupe une pizza en deux et que je t’en donne une moitié. Je suis perdant parce que je t’ai donné un bout. Si on est sur la curiosité et que je te partage quelque chose, on multiplie plutôt qu’on ne soustrait. On multiplie ainsi la connaissance et donc potentiellement l’impact qu’on peut avoir.
Et c’est important pour toi la notion d’impact et de transmission. Merci beaucoup Sylvain.
*Sylvain est un pseudo
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