Laissez vos émotions à la porte de l’entreprise ! Voilà une phrase qui a longtemps dominé les discours au travail (et qui persiste malheureusement encore dans certaines organisations). Pourtant, ça n’a aucun sens. Nous sommes des êtres émotionnels. Exiger de ne pas avoir d’émotions est tout aussi vain que de vous demander, là tout de suite, maintenant, de ne penser à rien ! Ce n’est pas possible !
Nos émotions se déclenchent bien avant que nous en ayons conscience. Nous ne pouvons donc pas décider d’avoir ou non des émotions. Le seul élément sur lequel nous pouvons agir, c’est ce que nous faisons de l’émotion que nous ressentons. Et à ce jeu-là, nous avons encore de gros progrès à faire.
Vous êtes au travail ? Regardez autour de vous :
Benjamin qui rumine devant son PC parce que votre manager vous a demandé d’être présents au bureau aujourd’hui et que lui aurait préféré être en télétravail.
Stéphanie qui fait une tête de 10 pieds de long depuis 2 jours, mettant une ambiance détestable dans l’open space et agressant quiconque essaie de rentrer en contact avec elle.
Catherine que vous entendez de loin, en train de pousser une sacrée gueulante auprès d’une partie de son équipe qui a commis une grosse boulette.
Marie qui rit à gorge déployée au téléphone, oubliant que d’autres sont aussi en communication et quelque peu gênés par le volume sonore. Aurélie ne manque d’ailleurs pas de lui jeter un regard noir. Regard que feint complètement d’ignorer Marie, qui rigole de plus belle !
Un peu plus loin on entend Damien perdre patience devant Pierre son collaborateur. Ce dernier est à deux doigts de craquer. Ce n’est pas faute de la part de Damien de l’inviter constamment à prendre du recul et à arrêter de se mettre autant de pression. Mais rien à faire…
Etc…
Et oui nous vivons dans un monde qui a la capacité d’envoyer les Hommes dans l’espace, de créer des intelligences artificielles ou encore de sauver des vies par des approches médicales toujours plus innovantes. Mais aussi un monde dans lequel nous subissons nos émotions et celles des autres parce que nous n’avons pas appris à comprendre le mécanisme de nos émotions et savoir en faire quelque chose de constructif pour nous et pour les autres. Dans la vie professionnelle, ce n’était pas trop gênant, tant que le travail était principalement séquencé et individuel. Mais à l’ère du travail collaboratif, il devient plus qu’urgent de savoir fluidifier les relations. Et pour ça, l’intelligence émotionnelle est une clé indispensable. Clé qui nécessite une autre soft skill pour pouvoir pleinement se développer : la curiosité bien sûr !
Mais commençons par comprendre ce qu’est l’intelligence émotionnelle.
Partie 1 : Comprendre l’Intelligence Émotionnelle
L’intelligence émotionnelle (IE) est la capacité à comprendre et à gérer nos propres émotions, ainsi que la faculté d’interagir avec celles des autres de manière constructive. Daniel Goleman a fortement contribué à populariser l’intelligence émotionnelle dans les années 90. Selon lui, l’IE s’articule autour de cinq compétences de base :
1. La conscience de soi
La conscience de soi est la capacité à reconnaître et comprendre ses propres émotions. En contexte professionnel, cela se traduit par la capacité d’un individu à identifier comment ses émotions influencent ses réactions, décisions et interactions avec les autres. Un collaborateur (et d’autant plus un manager et un dirigeant) conscient de lui sait comment ses ressentis peuvent impacter ses attitudes, lui permettant ainsi de les ajuster pour favoriser un environnement de travail propice.
La fenêtre de Johari illustre parfaitement cette conscience de soi.
Plus une personne a une conscience d’elle-même élevée, plus ses zones aveugle et inconnue sont réduites.
Pour cela, 3 grandes façons de procéder : travailler sur soi, demander du feedback et s’exprimer avec authenticité.
2. La maîtrise des émotions
La maitrise des émotions est la capacité à réguler et canaliser ses émotions de manière constructive. Au travail, cela se traduit notamment par la capacité à gérer le stress et la frustration, ou encore à résoudre les conflits de manière réfléchie.
Ce schéma représente les 7 degrés de maturité émotionnelle.
Niveau 1 : l’émotion est niée – la personne ne se rend donc pas compte de ce qu’elle ressent et de ce qui a déclenché son émotion (nous revenons alors au point 1 de la conscience de soi).
Niveau 2 : l’émotion n’est pas exprimée – la personne ressent par exemple de l’agacement, mais elle ne va rien dire. Malheureusement, nous connaissons tous le phénomène de la goutte d’eau ou de la cocotte-minute, ça s’accumule jusqu’à ce que ça explose de façon disproportionnée (c’est le niveau 4)
Niveau 3 : c’est une autre émotion qui est exprimée à la place, car dans notre expérience de vie, nous avons enregistré que telle émotion n’était pas acceptable et que telle autre l’était davantage. Il n’est ainsi malheureusement pas rare, qu’une femme exprime de la tristesse alors qu’elle est en colère (car une femme en colère est trop souvent cataloguée d’hystérique !) ou encore qu’un homme triste exprime de la colère (car un homme, ça ne pleure pas !).
Niveau 4 : l’émotion est exprimée de façon inappropriée – c’est l’effet goutte d’eau dont on a parlé au point 2. C’est aussi toutes les expressions non verbales que nous allons avoir et souvent exagérées en espérant que cela suffise aux autres pour comprendre : le regard noir, la porte qui claque, les 4 points d’exclamation dans un mail etc… On peut juger ces réactions très enfantines. Et pourtant, elles sont loin d’être des exceptions dans nos relations au travail.
Niveau 5 : l’émotion est exprimée, mais sans formulation de besoin – dans ce cas, la personne sait dire « je suis en colère », « ça me rend triste », ce qui est déjà pas mal. Il manque cependant l’expression d’un besoin. Mais arriver à ce stade est déjà un bel exploit. C’est en effet très peu répandu en entreprise, mais également dans les sphères amicales et familiales.
Niveau 6 : l’émotion est exprimée et accompagnée d’un besoin. Toute émotion désagréable est en effet l’expression d’un besoin non satisfait.
- La peur est une émotion qui se déclenche face à l’inconnu et le danger. Notre besoin est alors d’être protégé, se sentir en sécurité, de pouvoir anticiper et se préparer à ce qui va arriver.
- La colère est une émotion qui se déclenche face à une attaque, une frustration ou encore une injustice. Elle révèle un besoin de défendre son intégrité, d’obtenir un changement ou encore d’être entendu.
- La tristesse est une émotion qui se déclenche face à la perte et la séparation. Notre besoin est alors d’être réconforté et de pouvoir digérer cette perte à notre rythme.
Malheureusement, nous n’avons pas appris tout cela. Nous sommes alors confrontés à plusieurs obstacles : comprendre ce qui se passe en nous, être capable de mettre des mots sur ça (nous manquons en effet cruellement de vocabulaire émotionnel pour être en mesure de trouver les mots qui reflèteront parfaitement ce que nous ressentons) et enfin oser exprimer tout cela dans un environnement où peu de personnes le font.
Pourtant, dites-vous bien que la majorité des problèmes relationnels sont dus à des besoins non exprimés. On peut se dire que c’est pourtant évident et que l’autre pourrait deviner. Mais non. Si on veut agir de façon appropriée, on doit expliciter ses ressentis et ses besoins.
Enfin, le niveau 7 correspond à l’expression de l’émotion, du besoin et d’une demande. C’est la pratique de la communication non violente avec la technique OSBD.
C’est très louable que celle-ci soit de plus en plus enseignée dans les écoles et dans les formations en entreprise, notamment dans une volonté de gagner en assertivité, mais on ne passe pas du niveau 1 (ou même 4) au niveau 7 en un claquement de doigts. Il est nécessaire de travailler en amont sur la compréhension de ses émotions, l’appropriation d’un vocabulaire émotionnel élargi pour enfin s’entrainer à application de cette méthode.
3. La motivation
La motivation personnelle dans le contexte de l’intelligence émotionnelle englobe la capacité à être intrinsèquement motivé et à persévérer face aux défis. En entreprise, cela se traduit par un salarié animé par des objectifs personnels, au-delà des récompenses externes. Un individu motivé intrinsèquement est plus résilient, créatif et orienté vers la croissance professionnelle, générant ainsi une dynamique positive. C’était tout le sujet de notre précédent article (cliquez ici pour le découvrir).
4. L’empathie
L’empathie représente la capacité à comprendre les émotions et les perspectives des autres. Au travail, cela signifie être capable de se mettre à la place de ses collègues, clients et partenaires, favorisant ainsi des relations interpersonnelles plus respectueuses et profondes.
Vous avez peut-être déjà expérimenté la différence lorsque vous avez un manager qui est réellement capable de se mettre à la place de ses équipes. Vous avez aussi sans doute déjà éprouvé ce que cela change lorsque vous collaborez avec quelqu’un qui sait faire preuve d’empathie. Il est alors en mesure de mieux appréhender votre quotidien et donc vos contraintes et besoins. (Pour aller + loin, cliquez ici pour découvrir notre article sur la collaboration)
5. Les aptitudes sociales
Dernier pilier de l’intelligence émotionnelle, les aptitudes sociales désignent la capacité à naviguer efficacement dans les interactions. Cela va au-delà de l’empathie et inclut des compétences telles que la communication efficace, la résolution de conflits et la gestion des relations interpersonnelles.
Certaines personnes ont des prédispositions en terme d’IE. Mais tout un chacun est capable de développer son intelligence émotionnelle. Il faut cependant une condition essentielle : une bonne dose de curiosité !
Partie 2 : La Curiosité, Clé de Voûte de l’Intelligence Émotionnelle
1. La curiosité de soi
Savoir reconnaître et comprendre ses propres émotions est le fondement de l’intelligence émotionnelle. Cela nécessite d’être curieux à son égard en se posant régulièrement des questions du type :
- Qu’est-ce qui m’a fait réagir ainsi ?
- Qu’est-ce que je ressens ?
- Quand je ressens telle émotion, comment est-ce que j’agis en général au travail ?
- A quel niveau suis-je alors dans les 7 degrés de maturé émotionnelle ?
- Comment pourrais-je agir autrement pour respecter mes ressentis et respecter l’autre ?
- Etc…
2. La curiosité de l’autre
L’intelligence émotionnelle nous invite à comprendre l’autre plutôt que de le juger. Cela nécessite des postures curieuses : observation, écoute, questionnement.
Imaginez, vous êtes en réunion et votre manager annonce à l’équipe une réorganisation. Bon, ça vous contrarie un peu, mais vous passez vite à autre chose. Ce n’est ni la première, ni la dernière. Vous en avez vu d’autres. Par contre, vous êtes surpris de la réaction de votre collègue Arthur qui se met dans tous ses états suite à cette annonce. Une fois la réunion terminée, vous lui proposez d’échanger autour d’un café. Arthur accepte, trop heureux de trouver une oreille attentive et commence à vider son sac. Vous l’écoutez. Mais très rapidement, vous lui conseillez de ne pas se mettre dans cet état pour ça et de prendre de la hauteur. Et bien, sachez qu’aussi louable que soit votre intention, vous ne faites pas preuve d’intelligence émotionnelle à ce moment-là, car vous ne l’écoutez plus. Pire vous le jugez. En tous cas, vous jugez sa réaction. Vous jugez même son émotion. Comme si, vous, vous déteniez la bonne émotion et lui non. Sauf qu’encore une fois, on ne décide pas de ressentir telle ou telle émotion. La seule chose sur laquelle nous avons du pouvoir c’est la façon dont nous réagissons à l’émotion que l’on ressent.
S’il est « facile » de faire preuve d’empathie quand on comprend quelque part l’émotion et la réaction de l’autre, tout le challenge est donc de réussir à faire preuve également d’empathie et de respect des émotions quand la réaction de l’autre nous parait décalée.
Et ça, encore une fois, c’est beaucoup moins évident. Se voir alors comme un explorateur qui cherche à observer et comprendre des phénomènes étonnants à ses yeux est typiquement une approche curieuse qui permet de faire davantage preuve d’intelligence émotionnelle.
3. La curiosité du monde qui nous entoure
Cette dimension de la curiosité peut paraitre moins en lien direct avec l’intelligence émotionnelle. Pourtant, plus nous sommes capables de sortir de nos habitudes, de nos sujets de prédilection, de notre fameuse « zone de confort », plus nous nous élargissons notre vision du monde et donc nos références. Cela nous ouvre alors de nouveaux angles de compréhension nous permettant d’être moins dans le jugement et davantage dans l’accueil et le questionnement ouvert. Cette curiosité plus globale est comme un rappel constant à l’humilité, à la remise en question et à l’ouverture. Éléments clés de l’intelligence émotionnelle.
Vous l’avez compris, l’intelligence émotionnelle est devenue une compétence essentielle dans le monde professionnel, car elle contribue à la création d’environnements de travail sains, à des équipes plus performantes et à des leaders plus efficaces. Cependant avant de chercher à la développer, pensez d’abord à semer quelques graines de la curiosité 😉
Concrètement, comment faire ?
L’entreprise curieuse propose une conférence pour prendre conscience de ces enjeux. Dans le parcours de formation, plusieurs modules permettent de gagner en conscience de soi et en flexibilité cognitive et comportementale. Enfin des ateliers de 2H à une demi-journée permettent de s’initier à l’intelligence émotionnelle. Découvrez notre offre.