La coopération, c’est la capacité à travailler efficacement ensemble pour contribuer à une œuvre commune. Autant dire que c’est une compétence particulièrement recherchée en entreprise. En effet, on cherche partout à casser les silos, faciliter la transversalité, faire émerger l’intelligence collective, travailler en groupe projet…Bref, aujourd’hui, le travail n’est quasiment plus un travail solitaire où les individus sont hyperspécialisés et interviennent successivement dans la création de valeur. Cette dernière résulte désormais de nombreuses interactions et interdépendances rendant le travail collectif incontournable. Sauf que nous n’avons pas appris à travailler avec les autres. Pendant nos études, les travaux de groupe faisaient plutôt figure d’exception. La quasi-majorité des notes étaient des notes individuelles. Nous étions classés. Bref, c’était d’abord l’individualisme et la compétition. Et si besoin était, de travailler en groupe, alors ces derniers se constituaient par affinités. Ce qui n’est bien sûr pas toujours possible au travail…
Et puis, avouons-le, même si nous pouvons aimer travailler en équipe, ce n’est pas toujours facile…. Nous avons des approches, des personnalités, des rythmes différents… Et toutes ces différences au lieu de se compléter et nous enrichir, provoquent souvent des blocages, des tensions ou carrément des conflits. On se réfugie alors auprès de personnes qui nous ressemblent, qui parlent plus facilement notre langage, partagent la même vision des choses etc… Bref, on se cloisonne et s’enferme avec nos semblables. On obtient une forme de coopération, mais souvent une coopération limitée et qui vient se confronter à d’autres groupes qui coopèrent également uniquement entre eux. Comme le dit si bien Eugénie dans cette interview, nous avons plus que jamais besoin de ponts entre les gens et non de murs. Or naturellement, nous construisons des murs autour de nous pour nous protéger de ce qu’on ne connait pas et qui est différent de nous. Et c’est encore plus vrai en période de crise.
Alors, comment faire pour élargir la coopération et parvenir à cette fameuse transversalité ? Par la curiosité bien sûr !
Parlons d’abord de la curiosité à soi
Être curieux de soi c’est apprendre à se connaitre. Nous avons tous des angles morts. Des choses que nous ne voyons pas de nous, dont nous n’avons pas conscience, mais qui influent fortement sur notre rayonnement auprès des autres. Cela a été conceptualisé à travers la fenêtre de Johari. Être curieux de soi consiste à faire diminuer la partie droite du schéma.
La fenêtre de Johari est ainsi composée de 4 parties :
✔Le moi public (zone publique) : tout ce que je connais de moi et montre aux autres ;
✔Le moi secret (zone privée) : tout ce que je connais de moi et garde pour moi. A la place, je présente alors un moi de façade ;
✔Le moi inconnu (zone aveugle) : ce que les autres savent de moi mais que j’ignore (rancœur, admiration, manies, tics de langages…) ;
✔Le moi inconscient (zone inconnue) : tout ce dont je n’ai pas conscience et que les autres ignorent également (talents cachés, projections, limites inconscientes…).
Plus on est curieux de soi, plus on va mettre de la lumière et de la conscience sur ce qu’on ne connaissait pas de nous. Cela passe notamment par un travail sur soi (la thérapie, mais aussi le coaching aboutissent toujours à un élargissement du moi public) et par la recherche de feedbacks auprès des autres.
Bien sûr, on garde toujours des zones d’angles morts et un moi secret. Mais voici schématiquement les fenêtres de Johari en fonction du travail réalisé sur soi.
Les personnes qui ont un grand Moi Public sont des personnes avec lesquelles il est plus facile de communiquer, d’avoir des échanges constructifs, de partager. Bref, de coopérer. Ces personnes se connaissant mieux, elles ont davantage conscience de leurs forces et de leurs points de vigilance. Elles repèrent mieux que les autres, les moments où elles s’enferment dans des mécanismes de protection et peuvent ainsi manquer de flexibilité envers les autres. Elles ont également appris à mettre en place d’autres stratégies plus constructives pour débloquer ces situations. Enfin, elles sont en général plus compréhensives envers les autres et cherchent davantage à comprendre qu’à juger et accuser. Elles se montrent ainsi plus ouvertes et curieuses des autres.
La curiosité de l’autre
Que connaissons-nous des autres ? Et bien ce qu’ils cherchent à nous montrer, leur moi public, et leur moi de façade. Ainsi que ce dont ils n’ont pas conscience mais que nous, nous voyons : leur moi inconnu.
Être curieux de l’autre, c’est donc d’abord être conscient que ce que nous voyons n’est pas représentatif de toute la personne. Il y a plein de choses que nous ne savons pas, qui nous échappent et il est donc important de ne pas faire de jugement trop hâtif.
Ensuite, être curieux de l’autre, ce n’est pas le forcer à nous dévoiler ce qu’il veut garder dans son moi secret. Mais simplement, lui offrir un espace de sécurité psychologique lui permettant d’être plus authentique, plus lui-même et donc de ne pas jouer un rôle.
En quoi cela favorisera la coopération ?
Si on sent que l’autre nous cache des choses, joue un rôle, si on ne sait finalement rien de lui, comment trouver des points d’accroche ? Comment entamer le dialogue ? Comment se faire confiance ? Chacun met sa limite de l’intimité et l’authenticité là où il souhaite, mais un minimum est nécessaire pour se mettre en lien avec les autres.
De plus, notre cerveau a horreur du vide. Résultat, quand il ne sait pas, il va faire des tonnes d’hypothèses et d’interprétations auxquelles nous allons finir par croire.
Imaginez un collègue qui a passé un très mauvais week-end. Sa femme lui a annoncé qu’elle souhaitait divorcer. On peut comprendre que ce collègue n’arrive pas le lundi matin très en forme et souriant. Et on peut aussi comprendre qu’il n’ait pas envie d’en parler. Mais en même temps, ses collègues constatent qu’il n’est pas comme d’habitude et chacun va s’imaginer une explication : « il doit avoir des problèmes perso », « je suis sûr qu’il m’en veut encore pour le dossier A », « j’ai l’impression que c’est tendu entre lui et machin… », « il a un problème avec moi ou quoi ? »
Être curieux de l’autre, c’est finalement laisser à l’autre l’opportunité de parler, de nous éclairer et donc ajuster notre connaissance de lui et les hypothèses que nous faisons à son égard.
Par exemple, il suffirait de dire « j’ai l’impression que ça ne va pas fort ce matin, tu veux en parler ? ». Voilà une curiosité non intrusive, à laquelle, l’autre pourra répondre oui ou non. En général, il donnera forcément un petit élément du type « j’ai passé un mauvais week-end ». Et voilà comment toutes les autres interprétations qui auraient pu venir entraver la coopération sont balayées en 2 phrases…
La curiosité des idées et du monde qui nous entoure
Enfin, nous ne sommes pas toujours d’accord et c’est tant mieux. C’est cela qui est riche. Mais pour réussir à travailler ensemble, à trouver un terrain d’entente et donc à coopérer, il faut savoir rester ouvert à la vision et aux idées de l’autre. La posture curieuse consiste alors à poser des questions d’exploration du type « qu’est-ce qui t’amène à penser cela ? », « peux tu m’en dire plus car naturellement je pense l’inverse ? » « en quoi nos deux visions pourraient elles se compléter ? ». Bref, au lieu de se rigidifier et chercher à imposer nos idées, ce qui rend la coopération difficile, la curiosité amène à s’ouvrir à d’autres idées et approches, et y voir l’opportunité d’élargir son champ de vision. Etre curieux, c’est explorer, écouter, questionner, remettre en question ses points de vue, faire preuve d’humilité, apprendre encore et toujours. Cela nécessite de mettre son égo de côté, car l’objectif n’est pas d’imposer Sa vérité pour gagner ou montrer qu’on avait raison, mais d’admettre que personne individuellement ne détient LA vérité et que c’est en complétant nos points de vues et nos idées qu’on se rapprochera sans doute le plus de la réalité. (pour aller plus loin, découvrez l’article Pourquoi ce n’est pas si simple d’être curieux)
Les « vis ma vie » tant réclamés par les collaborateurs répondent complètement à ce besoin de satisfaire une curiosité pour mieux travailler ensemble. Toutes les entreprises qui le mettent en place expriment à quel point cela change les choses. Effectivement l’autre et son métier ne sont plus des boites noires que je ne comprends absolument pas et pour lesquelles je fais alors tout un tas d’hypothèses dont la majorité consiste à penser qu’ils pourraient faire mieux, et y mettre plus du leur pour me faciliter la vie… Bref, cette curiosité génère plus de compréhension, plus d’empathie et donc plus de facilité à coopérer.
Et mis à part les « vis ma vie » ?
L’entreprise curieuse propose une conférence pour prendre conscience de ces enjeux, une formation pour apprendre notamment à mieux poser les questions ou encore sortir de ses mécanismes de rigidité, et des ateliers pour expérimenter la puissance de la curiosité dans la coopération. Découvrez notre offre.
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